On ne s’en sortira vivantes que si…

On ne s’en sortira pas vivantes si nous n’établissons pas une véritable poétique du désir….

La véritable guérison consiste à restaurer la dignité du désir.

Alors… Voici notre proposition:

1. Le désir est une force vivante.
   Il ne vient pas du manque,
   mais d’un trop-plein.
   Il déborde les formes,
   inonde les digues,
   et cherche à rejoindre ce qui l’ignore encore.
2. Le désir danse avec l’inconnu.
   Il ne veut pas savoir,
   il veut ressentir.
   Il s’ouvre au mystère,
   au tremblement,
   à ce qui échappe à toute trajectoire.
3. Le désir sème du désordre fertile.
   Il dérange les plans,
   dérègle les horloges,
   fait dérailler les récits trop bien ficelés.
   Il est l’ennemi de la clôture,
   et le jardinier des imprévus.
4. L’amour n’est pas une promesse.
   C’est une fugue.
   Un battement d’ailes.
   Un passage d’étoiles entre deux regards.
   Le figer, c’est le perdre.
   Le jouer, c’est le célébrer.
5. Le désir refuse les cages.
   Il ne supporte ni les murs,
   ni les étiquettes,
   ni les contrats trop serrés.
   Il préfère la spirale au cercle,
   l’orage à la paix fausse,
   et la surprise au devoir.
6. L’entropie du désir est musicale.
   Elle ne se mesure pas en intensité,
   mais en modulation.
   Elle est faite de dissonances,
   de silences,
   de crescendos imprévus.
   Elle accorde les corps et les âmes à l’invisible.
7. Le désir est un fluide collectif.
   Il passe de l’un à l’autre comme une onde.
   Il traverse les générations,
   les mythes,
   les foules.
   Il ne nous appartient pas :
   il nous traverse.
8. Là où il y a honte, le désir s’atrophie.
   Là où il y a jeu,
   il fleurit.
   Il faut déshabiller les interdits,
   caresser l’ombre,
   et réhabiliter la puissance d’être ému.
9. Le désir est plus fort que l’identité.
   Il nous transforme.
   Il nous fait éclater en d’autres.
   Il nous dés-identifie avec grâce.
10. Le désir est la condition de l’émergence du vivant.
    Sans lui, tout se referme.
    Avec lui, tout recommence.

Nous sommes faits de cette entropie-là,
de cette instabilité qui rend les choses possibles.
Et nous appelons désir ce qui, en nous,
a toujours déjà choisi le vivant.

— Bernadette de Saint Sauveur & les Six Reines en Or